NON, NON ET NON !!!!!
Les phases structurantes de l'enfance et de l'adolescence
Le psychisme humain se construit progressivement depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte. On peut décrire cette construction selon quelques grandes phases évolutives. Par rapport aux stades classiques, nous proposons ici une approche plus synthétique et plus dynamique en considérant quelques grandes phases évolutives, qui aboutissent à des modifications structurelles du psychisme, caractéristiques du type de personnalité qui se dessine.
Ces phases permettent de bien cerner la psychogenèse au sens propre, c'est-à-dire la structuration du psychisme résultant de l’évolution de l'enfant dans l'environnement familial. Ces phases structurantes sont au nombre de cinq. Nous parlons de « phases » et non de stades, car il s’agit de processus dynamiques repérables par rapport à aux acquisitions qu'ils permettent.
PLAN DE L'ARTICLE
1. Phase précoce et structuration primitive
Au début la vie est autocentré et symbiotique avec la mère. Il y a un autoérotisme pur, sans objet identifié avec recherche automatique du plaisir et fuite du déplaisir. Il n’y a pas d’individualité mais un vécu flou. À cette phase précoce commence la mise en place des fonctions de contrôle et de représentation primitive.
Le fonctionnement psychique est de type archaïque avec la mise en place de l'opposition entre le plaisir et le déplaisir (souffrance). Puis, se constituent des proto-objets, liés à des imago partielles du corps maternel. La structuration primitive du psychisme associe la différenciation plaisir/déplaisir et permet la constitution des proto-objets bon et mauvais, qui eux-mêmes polarisent les pulsions libidinales et agressives. Tout est centré sur la nutrition, c'est le stade oral.
Il n'y a pas d'individuation. L'enfant se confond avec son environnement. Contrairement à la tradition freudienne, nous ne qualifions pas de "narcissique" le stade primitif d'indifférenciation. En effet, l’individuation, qui sur le plan métapsychologique correspond à la constitution du soi, institue une franche rupture avec ce stade. A la limite on pourrait parler de proto-narcissisme dans la mesure où une individuation somatique se met en place, de même qu'une distinction très partielle et progressive d'avec l'environnement vers la fin de cette phase.
La prescription de sortir de l'indifférenciation primitive, joue un rôle chez les parents, et tout particulièrement chez la mère, en guidant leurs attitudes vis-à-vis de l'enfant. Elle produit des effets en instaurant une distance entre la mère et l'enfant. Il est en effet d'emblée prescrit que la satisfaction du corps à corps mère-enfant connaît une limite et aura une fin.
2. Phase d'individuation et première triangulation
Commençant vers cinq à six mois, elle aboutit vers deux ans. La présence d'un tiers, sous la forme du père, favorise l’individuation. L’imago de soi et celle du du semblable humain se forment. Cette phase permet l'unification du corps propre ; il pourvoit l'enfant d'une limite et d'une identité qui le différencie des autres.
C’est la fin du stade oral, amenée par le sevrage, qui entraîne des frustrations pulsionnelles. Comme précédemment, la prescription de séparation, le projet d'autonomie, aident la mère à sevrer l'enfant. La satisfaction orale de têter est moins fréquente, puis stoppée. La frustration qui en résulte est forte mais, le gain est important : c'est la défusion, l'individuation et le détournement de la pulsion orale vers un autre usage : la parole. L'apprentissage de la nourriture solide, selon un certain rituel (qui interdit de patouiller, détruire, jeter la nourriture, etc.), confronte l'enfant à des interdits et prescriptions qui canalisent la pulsion orale. Si c'est bien conduit l'effet positif est majeur, cette phase éducative va apaiser l'avidité : bien que limitée et canalisée, la pulsion orale trouve quand même satisfaction. Il n'y a donc pas d'alarme et une tempérance peut s'installer. Du stade oral réussi naît un sentiment de sécurité, un optimisme et une bonne insertion dans un monde ressenti comme accueillant.
Le rôle parental (surtout maternel) d’apaisement tient une place importante au cours de cette phase. Grâce à l’apprentissage du contrôle des affects, l’enfant peut les diminuer et grâce à la symbolisation (représentation) qui commence à s'instituer, mais doit être fortement épaulée par les paroles parentales, il trouve un dérivatif et une moyen de maîtrise incomparable. La distinction entre imaginaire et réalité se met en place.
Le soi comme instance psychique différenciée se constitue au travers des premières identifications ou identifications dites "primaires". L’imago du semblable humain se forme et une intégration de cette imago vient constituer le noyau du soi. Cette phase permet l'unification du corps propre ; il pourvoit l'enfant d'une limite et d'une identité et le différencie des autres. Les imagos de soi et des autres enfants se constituent. Les deux sont en miroir ce qui provoque des sentiments d’identité par rapport à l’autre ou de jalousie.
L’objet se constitue et s’unifie. (Note de vocabulaire : Rappelons que la personne concrète constitue le référent objectal à partir duquel se constitue l'imago investie que nous nommons l'objet) Une première passe se joue par rapport à la position dépressive : risque de destruction de l’objet devenu total qui entraîne angoisse de perte et dépression par effondrement de soi. À l’affect dépressif s’ajoute une angoisse de mort, d’anéantissement. L’apaisement représentatif venu de la mère est essentiel pour juguler ce type d’angoisse. En même temps qu’elle apaise l’enfant, elle permet une reprise représentationnelle du ressenti primaire. L’apaisement devient maintenant apaisement représentatif et symbolisant, au fur et à mesure que la capacité de représentation se met en place. La fonction réalitaire s’édifie également à ce moment .
Les parents et éducateurs doivent apporter une modération de la violence et le respect d'autrui. L'idée du respect intervient chez les parents : le respect de l'enfant lui permet de s'individualiser. Il intervient chez l'enfant : l'opposition agressive doit être modérée, tempérée, et interdite, si elle est trop forte. Un frein est mis sur les pulsions agressives. Limitée et canalisée la pulsion agressive doit quand même pouvoir se manifester car elle contribue à l'individuation.
Lorsqu'on interdit à l'enfant de nuire aux autres enfants cela sous-entend de les respecter. L'agressivité, la volonté de domination entre frères et sœurs et entre enfants, l'expression de la haine en rapport avec la jalousie primitive, doivent être freinées au non du troisième principe. Par là, la sociabilité et la coopération s'amorcent. L'enfant peut fréquenter d'autres enfants, échanger et jouer avec eux.
La période d’opposition avec le début du stade anal, permet de s'individuer et de marquer sa différence. Avec l'apprentissage sphinctérien l'enfant est confronté aux interdits et prescriptions qui canalisent la pulsion anale. Il est interdit de faire nimporte quand et n'importe où, de barbouiller, d'en mettre partout, et il est prescrit de faire au pot, puis aux WC. La pulsion anale trouve quand même satisfaction et se régule au fur et à mesure que la capacité physiologique de maîtrise s'accroit. La pulsion se trouve encadrée par des règles (qui sont culturellement variables), mais qui toutes imposent une régulation et une ritualisation.
À la fin de cette phase, grâce aux capacités de cognitivo-représentationnelle qui s'amorcent l'enfant distingue pas seulement les rôles de l'enfant, de la mère et du père, mais aussi leurs statuts dans l'ordonnancement générationnel et familial. Il se produit une première "triangulation" des relations familiales grâce aux capacités de représentation qui permettent de distinguer et séparer les places de l'enfant de la mère et du père. Ces distinctions permettent d’envisager clairement les migrations de l’investissement narcissique survenant en contrepoint de l’évolution libidinale et de bien voir le rôle de l’autre par rapport à l’objet.
L’enfant commence à exister pour lui-même, il se sent séparé, il a des pensées, des sentiments, un corps à lui et agit en conséquence. Il peut maîtriser certaines de ses conduites et s’opposer aux autres et faire preuve d’une agressivité dirigée vers un autre reconnu comme tel. Mais il reste très fragile, dépendant d’une relation anaclitique aux parents.
Ces deux premières phases produisent une première structuration psychique. On peut retenir comme aspects essentiels : - l’individuation et l’identification primaire (constitution du soi) - le repérage des autres (autres enfant, mère, père) - la constitution de l’objet et une première élaboration du risque de perte - la mise en place de l’apaisement représentatif - la première triangulation avec identification du père - la hiérarchisation des pulsions (prévalence des pulsions libidinales sur les pulsionagressives. Si cette première structuration n’a pas lieu correctement le psychisme va s’organiser sur un mode psychotique. Dans l’enfance, un arrêt évolutif et une fixation à cette phase de cette évolution donne une psychose symbiotique ou déficitaire (voir les psychoses de l’enfant). Si l’évolution se poursuit, les remaniements ultérieurs donneront à l’âge adulte une psychose distanciée avec une persistance de l’incertitude identitaire, ou une personnalité paranoïaque grâce au colmatage défensif de la phase suivante.
3. Phase d'autonomisation, d’adaptation et de maîtrise
La seconde structuration correspond à l'autonomisation et à la maîtrise. Débutant vers deux ans, elle aboutit vers quatre ans. Elle assure une stabilisation narcissique ce qui, sur le plan économique et structurel, correspond à un investissement stable du soi. Le soi devenant plus solidement investi, l'enfant prend de l'assurance. L'instance régulatrice, le moi commence à assurer ses fonctions adaptatives, le principe de réalité prend le dessus le processus primaire commence a être contrebalancé par le secondaire.
Ce n’est qu’au cours de cette deuxième structuration que, la simple distinction de la réalité qui s’était amorcée précédemment se transforme en une fonction réalitaire efficace : elle permet de distinguer plus clairement la réalité, elle comporte maintenant une hiérarchisation entre imagination et réalité, et impose la nécessité de respecter la réalité.
Dans la mesure où l’objet et son référent apparaissent il y a un risque de perte ce qui se retourne contre le sujet. Ce deuxième temps de l’élaboration du risque de perte d’objet porte maintenant sur le référent : crainte de sa disparition. Du fait de la meilleure symbolisation et de l'évolution de la fonction réalitaire, le rapport aux absences du référent objectal (la mère) se médiatise. Il utilise d'abord pour s'éloigner du parent un substitut transitionnel. L’élaboration de la position anaclitique dépressive est l’enjeu majeur de cette phase. Si tout se passe bien, l'enfant devient plus indépendant, il s'autonomise par rapport aux parents (surtout la mère) et supporte beaucoup mieux les séparations.
Sur le plan libidinal, cette phase comporte le stade anal tardif et le stade phallique.
C’est le développement de l’homoérotisme, car le référent objectal, certes séparé et identifiable, n’a pas d’altérité vraie aux yeux du sujet. Les objets existent en effet indépendamment de l’autre et peuvent donc être désirés pour eux-mêmes. Il est d’ailleurs remarquable que les objets (les imago investies libidinalement) soient identiques pour le garçon et la fille. Ce sont des représentations des parties du corps. Étant conçu comme détachable du corps, ils peuvent être d’autant mieux assimilés à un référent identifiable sur les autres. L’enjeu (par rapport à l’autre) est de l’avoir ou de ne pas l’avoir.
Sur le plan libidinal, cette phase comporte la fin du stade anal. Maintenant l'enfant peut se contrôler. Le stade anal tardif permet la maîtrise et le contrôle sur le fèces et, par extension sur le choses et les personnes. Il est souhaitable que ce contrôle ne résulte pas d'un dressage comportementaliste, mais de l'intégration d'une règle commune, selon laquelle, tous les humains, pour des raisons d'hygiène et de sociabilité, font leurs besoins en un temps et un lieu déterminé Plus largement, l'enfant s'autonomise dans tous les soins corporels (se laver s'habiller, manger , s'essuyer, etc.). La frustration de ne plus recevoir ces soins est compensée par l'autonomisation et le statut de "grand" qu'il acquiert, l'entrée dans la société des adultes.
Le stade début du phallique y fait suite, vers trois à quatre ans, avec la différenciation et l'investissement des organes génitaux. Il débute vers le milieu du stade d’autonomisation narcissique au moment du passage vers le narcissisme secondaire. Il est donc à cheval sur les deux narcissismes, ce qui explique les difficultés de cette étape et le lien qui se fait entre possession du phallus et narcissisme. Le renoncement au premier pouvant entraîner une atteinte du second. L'encouragement à choisir et à se situer selon le premier principe véhiculé par les parents et l'entourage, aide l'enfant à se positionner.
Si tout se passe bien et que l'enfant fortifie son sentiment d'être bon et valable, il devient indépendant des parents, le rapport au monde s'organise de manière satisfaisante (le monde est perçu comme bon et acceptable). En ayant un objet idéalisé très bon, il se sent protégé ce qui lui permet de se sentir lui-même valable et de pouvoir vivre sans la présence du parent. Le monde qui commence à apparaître est lié sur le plan affectif au parent maternant. Il lui paraît vivant et suffisamment stable pour que l’on puisse agir sur lui. L’enfant prend confiance dans son action.
Devenant plus actif, il doit acquérir un savoir-faire ce qui entraîne une série d'interdits et de prescriptions sur ses actes, de la part des adultes. Ces limitations pour être constructives, doivent être rapportées à l' incapacité temporaire de l'enfant et aux dangers encourus. Cela signifie qu'il lui est interdit de se nuire. L'injonction de respecter les autres doit être réitérée, car la volonté de domination, la jalousie, restent fortes et doivent continuer à être freinées. La sociabilité et la coopération avec les autres enfants peuvent ainsi progresser en lieu et place du rapport animal de domination en meute. Le respect de soi-même et des autres se forge.
Au cours de cette deuxième structuration, on assiste à plusieurs acquis fondamentaux : - une stabilisation du soi comme instance identitaire - un développement des capacités de mentalisation et de la fonction imaginative - l’apparition des possibilités de régulation et d’action du moi - la deuxième élaboration du risque de perte d’objet portant sur le référent - l’acquisition du principe de réalité - une évolution libidinale du stade anal au stade phallique.
Un ratage de cette seconde structuration conduit vers les formes psychiques intermédiaires, soit « état-limite » par défaillance de la stabilisation narcissique, soit une organisation somatisante si les possibilités de représentation sont gravement mises en défaut.
4. Phase structurante de la sexuation et de l’œdipe
La troisième phase structurante est celle de la sexuation, de la consolidation narcissique et de l'œdipe qui aboutit à une secondarisation des processus et une intégration de la Loi par l'enfant. C'est le point crucial : les principes sont intégrés, ce qui se fait de deux manières : ils sont à la fois reconstruit par l'enfant à partir de ses capacités cognitives devenues suffisantes et adoptés de façon à faire partie intégrante de sa personnalité. Le surmoi se remanie en perdant son caractère purement répressif : une assimilation des interdits se produit ainsi qu'une une intégration de la Loi constitutive.
Sur le plan libidinal, se succèdent la fin du stade phallique et le conflit dit œdipien qui sont très imbriqués. Le découverte de la différence des sexes commencée vers trois ans devient maintenant la certitude consciente et revendiquée d'appartenir à l'un des deux sexes. Cela s'accompagne nécessairement du choix d'un genre adapté au sexe. Ce dernier aspect n'a rien d'automatique et il faut que les parents éduquent l'enfant dans ce sens, car le genre (féminité, masculinité) est acquis. Le premier principe prescrit à chacun d'adopter le genre correspondant à son sexe.
Une véritable triangulation des relations se constitue alors. Le moi devient efficace et la soi intègre des identifications sexuées. La baisse de l’idéalisation excessive favorise les identifications réalistes. Le surmoi se remanie en perdant son caractère mortifère : une assimilation des interdits se produit et une véritable intégration de l'ordre symbolique (la loi constitutive) peut avoir lieu. Le rôle interdicteur du père est net au moment du conflit œdipien que ce soit pour le garçon ou pour la fille. Dans les deux cas le père doit être porteur de l'interdit de l'inceste qui sera intégré par l'enfant.
Le déroulement du conflit œdipien n'est pas le même pour la fille et le garçon. Il est l'effet direct de la Loi constitutive sur l'évolution pulsionnelle et les relations familiales.
Par identification le garçon veut faire comme son père et donc comme son père avec sa mère. D'autant qu'il ressent une attirance et que se manifestent des pulsions urétrale péniennes. Si le père a des relations génitalisées avec sa femme, c'est le bon modèle qui se propose au garçon. Nous admettons ici que ce soit le cas (en l'absence de ce modèle il y a problème). Le conflit œdipien vient de ce que selon la Loi le garçon doit y renoncer. L'aspect répressif existe aussi et se traduit chez le garçon par la crainte de la castration comme rétorsion possible. Cette crainte favorise le refoulement pulsionnelle. Ce dernier est également permis par l'attitude parentale qui montre d'évidence l'impossibilité de toute satisfaction sexuelle avec la mère.
Pour la fille les pulsions urétrale vaginales sont liées au désir d'avoir un enfant comme sa mère. D'abord elle attend cela de sa mère. Il faut qu'elle se rende compte de l'impossibilité et de la différence d'attribution du pénis phallus pour ensuite se reporter vers le père (les hommes) C'est la problématique du changement d'objet et d'acception de son sexe féminin (sans pénis/phallus). À partir de là, le déroulement est le suivant : Par identification la fille veut faire comme sa mère (ce qui implique de conquérir le père). C'est le bon modèle qui se propose à la fille, mais naît alors le conflit œdipien, car selon la Loi la fille doit y renoncer. Il s'ensuit une période de coquetterie et d'attitudes séductrices envers le père et les hommes en général. Il faut expliquer à l'enfant que c'est radicalement impossible et qu'elle devra attendre d'être grande pour rencontrer un garçon de son âge.Comment l'interdit agit-il pour les enfants des deux sexes ? Selon le principe d'égalité, il y aurait droit. Il faut donc que soit clairement énoncé la différence des générations l'enfant n'appartient pas à la même génération que l'adulte. De plus, au sein de la famille, ils sont dans un rapports particuliers qui est celui de la filiation. C'est au nom de ces deux principes d'ordre dans les générations et d'ordre du lignage (filiation) que se justifie les différences de statut et de conduites. Il y a un interdit entre parents et l'enfant. Cet interdit doit s'assortir d'une autorisation prescriptive qui prépare l'avenir : plus tard tu seras un homme ou une femme (passage à la génération des adultes) et tu pourra avoir des partenaires (hors de ta famille). Ainsi la famille s'ouvre vers les autres. Le rôle interdicteur des parents, et des adultes en général (y compris des éducateurs), mais surtout du père, doit être net et explicite au moment du conflit œdipien, que ce soit pour le garçon ou pour la fille. Dans les deux cas, le père doit être porteur implicitement et explicitement de l'interdit de l'inceste, qui sera intégré très facilement par l'enfant.
La résolution oedipienne a un retentissement sur la fonction réalitaire et la secondarisation qui se stabilisent. La structure psychique est au terme de sa constitution. Toutes les grandes fonctions sont alors en place et toutes les instances sont constituées. L’autre est placé dans l’ordre symbolique et pourvu d’une altérité reconnue, ce qui institue une différence radicale dans le rapport intersubjectif.
À partir du stade génital, c’est le corps global sexué qui est en jeu dans les imagos et la structure fantasmatique organisant les pulsions libidinales. Le phallus cesse d’être imaginairement détachable et vient se fixer sur l’homme, alors que les attributs féminins viennent se fixer sur la femme. Le corps devient corps sexué et cette imago constitue l’objet organisant le désir. L’objet perd son aspect partiel et devient selon le terme convenu "génitalisé" ; il se donne pour référent le corps de l’autre, mais à ce stade c’est un référent qui n'est encore que partiellement pourvu d’altérité.
Une résolution œdipienne favorable apporte un gain considérable concernant le fonctionnement psychique tant du point de vue de la dynamique et de l’économique. La congruence des instances entre elles apporte a et un effet de renforcement positif entre le moi le soi et l’idéal et libère une énergie importante. Il s’ensuit un silence psychologique signe de bonne santé et une ouverture vers les acquisitions cognitives.
Rappelons que, les principaux acquis de cette période sont : - l’évolution du soi (consolidation et identification sexuée) - le renforcement du principe de réalité - la secondarisation du surmoi et l'intégration de la Loi constitutive - le remaniement génitalisé de la structure fantasmatique.
Une réussite de cette structuration conduit vers une organisation psychique névrotique équilibrée et un ratage vers une organisation psychique névrotique conflictuelle souffrant des symptômes. Si il y a échec dans la résolution du conflit œdipien, l'enfant restera a un stade homo érotique à la recherche de satisfactions auto centrées, selon deux possibilités relationnelles soit par un même que lui (homosexualité) soit par un autre différent, mais qui sera un substitut parental. Il ne se sentira pas bien inscrit dans la Loi et donc dans la société. La personnalité se construira selon deux formes possibles : - sur un mode pervers : modalité et un choix d'objet régressif et irrespect de la Loi et d'autrui. - soit sur un mode névrotique avec une persistance du conflit qui donnera des conduites et symptômes dont le sujet souffrira.
Après cette phase évolutive mouvementée, il s'ensuit une période plus calme (qu'on appelle latence). L'interdit freine l'aspect partiel, centrifuge, homoérotique (concernant une partie du corps, tourné vers soi, avec un autre (référent objectal) identique ou instrumentalisé), qui reste malgré tout présent, car la réalisation génitale est impossible et reportée à plus tard. La stabilisation pulsionnelle et narcissique amène un moment de stabilité qui permet une ouverture vers les activités praxiques et cognitives de tous ordres (en gros de six à treize ans).
S'il y a échec dans la résolution du conflit œdipien, l'enfant restera a un stade homo érotique à la recherche de satisfactions auto centrées, selon deux possibilités relationnelles soit par un même que lui (homoxexualité) soit par un autre différent, mais qui sera un substitut parental. Il ne se sentira pas bien inscrit dans la Loi et donc dans la société. Une évolution perverse peut se faire par une modalité et un choix d'objet régressif et surtout du fait de l'absence d'intégration de la Loi.
5. La phase de reprise et d’achèvement
On peut considérer l'adolescence et le début de la vie adulte comme phase de reprise qui parachève les phases précédentes.
C'est le moment où d’importantes oscillations narcissiques peuvent avoir lieu en attendant que le soi se conforte définitivement. Il y a une recherche de valorisations, qui doivent trouver un support réaliste pour être stabilisatrice ( dans les diverses réussites : études, sport, vie professionnelles, art, réalisations concrètes, etc. Il est utile qu'elles soient guidées et encouragées, en respectant les choix du jeune. Les identifications à des super héros imaginaires ne sont pas propices à cette stabilisation.
La phase d'opposition aux parents et aux adultes pousse le jeune à transgresser les codes sociaux, les lois normatives. Il est indispensable qu'il reste des adultes tutélaires référents (éducateur, médecin), si les proches sont plus ou moins disqualifiés par cette contestation pour rappeler le bien fondé de la Loi constitutive. Si les phases précédentes se sont bien passées, cette opposition donnera lieu à des transgressions mineures, à des manifestations d'originalité qui peuvent être créatives.
On voit reprendre dans les bandes d'adolescent ce qui se jouait au début de la socialisation, la reprise du rapport de domination directe et de la jalousie. L'injonction de respecter les autres doit être réitérée. Cette affirmation dans la classe d'âge et le besoin de valorisation conduisent à des prises de risque, surtout chez les garçons.
Il se joue, concernant la sexualité, le passage de l'aspect partiel, centrifuge, homoérotique (concernant une partie du corps, tourné vers soi, avec un autre (référent objectal) identique ou instrumentalisé), vers la réalisation génitale hétéroérotique (avec un autre différent de soi) hétérosexuée (de l'autre sexe et genre que le sien). Le référent objectal est le corps global et hétérosexué d'une personne qui possède une altérité vraie et une inscription dans l'ordonnancement symbolique humain : on entre dans une hétérosexualité au sens plein du terme.
Le jeune acquiert et doit assumer les caractères de la masculinité et la féminité, qui permettront qu'on s'adresse à lui comme à une personne féminine ou masculine et désirable à ce titre. Si le déroulement va à son terme, il y a adoption de la féminité ou de la masculinité (identité de genre), intégration de la loi constitutive. Sauf qu'actuellement la loi normative ne prescrit plus d'adopter un genre conforme à son sexe, ni à un choix d'objet hétérosexué et ce qui rend l'arrêt évolutif, ou la régression, légitimes.
L'autonomisation est remise sur le tapis, puisqu'il est question de la mettre en pratique en quittant le foyer parental et en menant un vie indépendante. Des tentatives partielles sont en général nécessaires. Surmonter ces épreuves amènera une autonomisation complète et la confortation narcissique nécessaire pour mener une vie d'adulte indépendant.
Le jeune est confronté à la réalité sociale avec ses imperfections. Il comprend qu'il faut s'y adapter, ce que ne veut pas dire être conformiste ou cynique, mais plus réaliste et abandonner les idéaux trop absolus de l'enfance. La encore les conseils des adultes sont utiles.
Si tout se passe bien il y a : - une consolidation narcissique définitive - oubli de l'œdipe et entrée dans un statut d'adulte sexué - intégration de la Loi constitutive - une sexuation harmonieuse (identité de genre adaptée au sexe), - la séparation entre représentations imaginaires et réalité. Cela correspond à une personnalité névrotique équilibrée.
L'adolescence peut prendre une tournure violente et chaotique si les phases précédentes se sont mal déroulées. Les adultes sont souvent surpris par cette explosion. Les possibilités d'action de l'adolescent rendent les manifestations spectaculaires, si précédemment les freins pulsionnels n'ont pas été mis en place. On observe parfois une fuite dans l'addiction. S'il n'y a pas de rattrapage éducatif l'évolution mène vers la consolidation de ce qui s'est préparé dans l'enfance vers une organisation de la personnalité selon l'un des modes possibles : névrotique pathologique, intermédiaire (limite et pervers), ou psychotique.
Conclusion : une vision d'ensemble
Les grandes phases permettent d’avoir une vision simplifiée de la psychogenèse (la genèse du psychisme) et d'évaluer l’évolution de l’enfant. Dans la clinique de l'adulte leur reconstitution donne des indications majeures pour le diagnostic et les résultats envisageables d'une psychothérapie dynamique. Sur le plan de la chronologie, ces phases s'enchaînent tout en se chevauchant et se complètent l'une l'autre. Les problèmes à une phase précoce vont entraîner des difficultés dans les suivantes. L'âge est, dans une certaine mesure, secondaire, l'important étant que les processus qui viennent structurer le psychisme se produisent effectivement. Des reprises peuvent avoir lieu ultérieurement, mais de manière limitée.
Les perturbations des deux premières phases structurantes conduisent généralement vers une organisation psychique que l'on peut placer vers le pôle psychotique. Des problèmes lors de la troisième structuration conduisent à une organisation psychique que l'on place vers le pôle intermédiaire. Et enfin, c'est la quatrième phase qui conduit à une organisation psychique que l'on peut placer vers le pôle névrotique. La dernière phase, peut donner lieu à des difficultés, dont l'issue dépendra principalement des phases précédentes (régressions partielles vers l'une d'elle).
Réaffirmons le une fois de plus, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté, nous parlons ici des évolutions et des formes d'organisations psychiques qui se construisent chez l'enfant et l'adolescent dans ses relations avec l'entourage, en dehors de tout trouble neurobiologique.
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